mardi 8 juillet 2008

Allobus : la voie de l'emploi vers Roissy

Depuis avril 1999, le service Allobus relie les communes du Val d'Oise à la plateforme d'activité de Roissy. Le 27 juin, le Conseil Général du Val-de-Marne a décidé de se joindre au dispositif pour permettre aux travailleurs à faible revenu d'accéder aux emplois de la plateforme. Une forme souple et ciblée de transports en publics qui est appelée à se développer.

Dans sa séance du 27 juin dernier, le CG Val-de-Marne a rejoint le dispositif Allobus, qui associe lignes régulières et services de transport à la demande 7 jours sur7, 24 heures sur 24, vers la plate-forme aéroportuaire de Roissy. Ce département rejoint ainsi le Val d'Oise.

Créé en 1999, Allobus est géré par une société privée, Les Courriers d'Ile-de-France, par convention avec le STIF (syndicat des transports d'Ile-de-France), ADP (Aéroports de Paris) et le Val d'Oise. Il met en oeuvre 18 véhicules dont 6 bus et 12 minicars. Allobus a rencontré immédiatement le succès, avec 200 000 voyages dès la première année.

Les usagers disposent d'un numéro vert, le 0 810 24 24 77. Ils indiquent l'heure à laquelle ils doivent aller à Roissy ou en partir. Allobus leur indique l'heure à laquelle le véhicule passera et l'arrêt le plus proche du domicile du demandeur. La demande peut être récurrente : passer prendre le voyageur chaque semaine tel jour à telle heure.

Un service économiquement et socialement structurant

Le transport à la demande constitue un axe fort de développement des transports publics, au même titre que les grands axes structurants. Il permet d'assurer une service en phase avec les attentes de publics isolés, qui ne sont pas en mesure de supporter les coûts croissants de l'énergie et de la voiture.

Destiné à l'origine aux zones rurales, aux personnes âgées, le transport sur mesure affirme peu à peu son rôle économique et social structurant. C'est en particulier un instrument efficace pour combattre l'apartheid social. Avec un léger retard à l'allumage, l'Etat et les collectivités locales se penchent sur le cas de la Seine Saint-Denis, avec ses "cités" proches de la zone d'activité de Roissy, mais éloignées, très éloignées, en termes de trajet de transport.

De nos jours, la mobilité est facteur d'accès à l'emploi. Il est donc juste et profitable que les collectivités l'inscrivent parmi leurs objectifs de service à la personne et d'aménagement du territoire.


lundi 7 juillet 2008

Plages françaises : le fond de l'eau est trouble

Applicable au plus tard en 2015, la directive européenne 2006/71/CE durçit les critères de qualité des eaux de baignade en mer. La Fondation Surfrider Europe attire l'attention sur les risques de fermeture de sites côtiers au public, en publiant une simulation établie sur les bases de cette directive. D'après leur étude, 251 plages françaises pourraient être déclassées, et certaines interdites.

Désireuse de mobiliser grand public et pouvoirs publics sur les enjeux de la protection de la mer et du littoral, la Fondation Surfrider a établi une simulation de classement des plages françaises suivant les critères bactériologiques plus restrictifs de la directive européenne 2006/71/CE. Elle s'est basée sur les résultats des prélèvements effectués par 26 DRASS (directions régionales des affaires sanitaires) en métropole et dans les DOM, lors des saisons estivales 2004 à 2007.

251 plages, soit 15,5% des plages françaises, ne respecteraient pas la valeur impérative établie par la nouvelle directive. Et 22% d'entre elles seraient victimes d'un déclassement.

Le nombre de plages classées "excellente qualité" diminuerait légèrement, de 1122 à 1079. Les plage de bonne qualité diminueraient d'un tiers, de 420 à 287. La cote "eaux de qualité suffisante" serait par contre attribuée à 120 plages, contre 71 aujourd'hui.

Projection la plus grave de la simulation effectuée par Surfrider : le nombre de plages de qualité insuffisante progresserait de 4 à 131. Ce qui entraînerait une interdiction à la baignade, mesure que rejette par avance la fondation.

En 2007, en effet, les Etats membres de l'Union européenne ont mis 88 plages en interdiction. Surfrider considère logiquement cela comme un refus pur et simple de prendre les mesures permettant de revenir à une situation acceptable. Et une atteinte au droit des citoyens, baigneurs, surfers de jouir du littoral européen et de ses bienfaits.


Les conséquences économiques d'un tel classement seraient évidemment importantes, voire désastreuses. Il reste donc 7 ans aux autorités nationales et locales pour faire rentrer un maximum de plages françaises dans le peloton de tête des sites de baignade européens


Fondée en 1990 par des surfeurs soucieux de l'environnement marin, la Surfrider Foundation Europe lutte contre la pollution des plages, pour la préservation des côtes et la réhabilitation d'un littoral de qualité.

photo : Sara Heinrichs


dimanche 6 juillet 2008

Toujours plus de pétrole, SVP !

C'est bien connu, la flambée des prix du pétrole va provoquer une prise de conscience radicale chez les consommateurs occidentaux. Ceux-ci auront désormais pour objectif de minimiser leur consommation de carburant ou de fuel énergétique et de développer un mode de vie durable, respectueux de l'environnement. Pas si certain, si l'on considère un récent sondage qui révèle que de plus en plus de citoyens américains privilégient la recherche de nouveaux gisements plutôt que la préservation des ressources naturelles.

Un sondage du Pew Research Center publié en février montre que 50% des Américains considèrent que développer l'exploration de nouvelles sources d'énergie est plus important que de les préserver. (contre 42% auparavant). La progression est particulièrement marquée chez les 18-29, où le pourcentage est passé de 26 à 51%. De plus, 50% apportent leur soutien à des forages de prospection dans la Réserve naturelle nationale d'Alaska, contre 42% auparavant.

Sur ces sujets, les écarts traditionnels entre hommes et femmes ou entre Républicains et Démocrates ne sont plus significatifs. Prix du gallon d'essence oblige.

Autre bémol, issu de l'Energy Information Administration : la proportion de consommateurs d'électricité prêts à payer un supplément pour se fournir en énergie "verte" est en diminution.

En 2006, le nombre de programmes "verts" accessibles aux particuliers a en effet augmenté de 442 à 484. Dans le même temps, le nombre de consommateurs motivés a décru de 32%, passant de 942 772 à 645 167.


Comme quoi, en matière de consommation énergétique, la vertu ne va pas de soi. De fortes incitations économiques et fiscales peuvent seules emporter massivement l'adhésion.


photo : Treehugger.com


vendredi 4 juillet 2008

L'Ange de Grozny : chronique infernale de la Tchétchénie

Dans "L'Ange de Grozny", la journaliste norvégienne Asne Seierstad apporte un éclairage rare sur la vie en Tchétchénie lors des deux conflits avec les Russes et sous la "normalisation" de Ramzan Kadyrov. Parfaitement russophone, la jeune femme vit chez l'habitant à Moscou comme à Grozny, et parcourt, déguisée en femme caucasienne, les territoires d'habitude inaccessibles aux Occidentaux. D'où un témoignage d'une rare pertinence, d'une rare intensité, construit autour de la personne d'Hazizat, femme courageuse qui reçoit chez elle les orphelins de la guerre.

"Sur le roc le Terek traîne un flot trouble et noir, Sur la rive le Tchétchène... étreint son poignard". Ce poème de Lermontov, écrit en 1830, Asne Seierstad l'entend chez ses amis moscovites en janvier 1995. Rien n'a changé. La première guerre de Tchétchénie vient d'être déclenchée par Eltsine, enfin, son Etat-major, dans des conditions désastreuses. Sur une impulsion, Seierstad se rend à Grozny dans un avion militaire russe. Traînant casque et gilet pare-balle, la jeune journaliste se fait héberger par des femmes rencontrées là-bas. Ainsi se dessine son approche particulière de la Tchétchénie.

Le titre français, "L'Ange de Grozny", désigne Hasizat, qui a fait de sa maison un orphelinat "privé" pour les enfants harassés par les guerres, les ruines, les enlèvements et exactions continuels. Elle pourrait être soulagée de cette tâche, maintenant que "la paix" est revenue, mais une des premières mesures de Ramzan Kadyrov, le jeune "Président" protégé de Poutine a en effet été de fermer les orphelinats publics. Sous l'Islam, aucun enfant, en effet, ne saurait être abandonné de ses parents, de sa famille. On imagine les résultats.

Hasizat, Malika, la cuisinière, les enfants Adam, constituent les personnages récurrents du récit, avec un éclairage particulier sur Liana, fillette violée par un proche, et Timour, son frère. Y apparaissent les courageux responsables de l'association "Mémorial" qui vient en aide aux multiples victimes du régime pro-russe. Tel Salman, torturé des heures durant pour avoir enseigné aux enfants comment se garder des mines omniprésentes (c'est donc qu'il leur apprenait à en poser!).

Au terme d'une interminable attente, Seierstad peut enfin rencontrer Kadyrov au "Château de la jeunesse" à Grozny. Interview surréaliste dans laquelle cet homme fondamentalement violent affirme que "la Tchétchénie est maintenant l'endroit le plus paisible du monde". Il est moins virulent lorsque la journaliste lui demande comment il se fait que son père, tout aussi dictateur mais moins souple avec Poutine, ait pu être assassiné à Moscou, alors que lui, son fils était son garde du corps. Fin de l'interview.

Plus clandestinement, Seierstad parvient à rencontrer une famille bannie de la société, dans un village reculé. Le fils s'était engagé dans la résistance lors de la première guerre, il a été tué dans la seconde. Sa sœur, Mariam, est morte dans l'assaut d'un théâtre de Moscou, où des activistes tchétchènes sous la direction de Movsar Baraev prennent le public en otage en 2002. Les deux autres frères, sa sœur, Azet, ont "disparu". La mère elle-même a été emmenée dans un camp où les hommes de Kadyrov, et non plus les Russes torturent les innombrables "suspects". C'est encore cela la Tchétchénie.

Aut
re intérêt de ce livre riche : l'évocation du point de vue russe, à travers les logeurs d'Anne Seierstad à Moscou, ses compagnons de train ou les familles de trois jeune gens condamnés pour avoir agressé un homme qui semblait être "caucasien". D'où un aperçu guère plus rassurant des prisons russes ordinaires.

Seule une femme pouvait ainsi parcourir le territoire et la société tchétchènes. D'où la valeur de ce livre, qui ouvre bien peu de perspectives à un peuple désigné à l'Est comme à l'Ouest comme "terroriste".


"L'Ange de Grozny" - Asne Seierstad - JC Lattès

D'un clic : "The brutal biography of Chechnya's Ramzan Kadyrov", témoignage de Megan Stack, journaliste au LA Times


D'Ingrid Betancourt à Loft Story

La libération d'Ingrid Betancourt par un commando de l'armée colombienne est une bonne nouvelle. C'est également l'apogée d'une long psychodrame français associant société du spectacle, dictature de l'émotion, politiquement correct, voire récupération. Une célébration du vide qui n'est pas sans rappeler le défunt "Loft Story".

Ingrid Betancourt est libre. Elle "revient" en France, façon de parler, puisque sa vie personnelle et politique se déroulait résolument en Colombie. Dans sa première déclaration, Mme Betancourt a salué la tactique appliquée par l'armée colombienne, et remercié le Président Uribe. Il est vrai qu'elle est encore sous le choc de sa longue détention.

La France unie dans l'émotion ne va pas gâcher son plaisir pour si peu. C'est bien notre répétition médiatique, nos manifestations de soutien, l'action résolue de notre Président qui ont abouti à ce résultat. Tout comme nos critiques permanentes contre le gouvernement colombien (et non les ravisseurs, les Farc).

Dans la société du spectacle, nous nous donnons bonne conscience par les mots, les prises de position consensuelles sans risque, et la conviction d'être les bons, ceux qui disent le bien, le mal. Une fois une cause adoptée par les médias, elle tourne en boucle jusqu'à ce que s'interroger sur elle, ses motifs profonds devienne sacrilège.

Aujourd'hui, la France s'auto-célèbre. Célèbre sa non-intervention dans la libération d'Ingrid Betancourt, avion affrété par la République et réception à l'Elysée incluse. Ce n'est pas sans rappeler la montée des marches factice à Cannes par les non-personnages de Loft Story. La montée sans les années d'effort, sans oeuvre accomplie.

Etonnant que l'un ou l'autre preneur d'otages "politique" n'ait pas encore eu l'idée de braquer une webcam 24 heures sur 24 sur ses victimes. Problème de traçabilité, je présume. Pour l'instant, ils se contentent de filmer leurs messages de détresse, voire leur exécution.

Le société du spectacle s'en trouve frustrée.