mercredi 24 septembre 2008

Crise financière mondiale : Wall Street contre Main Street ?

Le Gouvernement américain allait verser 700 milliards de dollars pour éviter la chute fatale des marchés suite à la "crise des subprimes". Tout le monde se réjouissait, Européens compris, de cette générosité des contribuables d'Outre-Atlantique destinée à remettre à zéro les compteurs de la finance mondiale. Mais les élus américains, sénateurs républicains en tête, rechignent à rédiger ce quasi-chèque en blanc au système libéral qu'ils défendaient jusque-là.

Le Secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson et le Président de la Réserve fédérale américaines, Ben Bernanke, ont passé de mauvais moments , hier, devant la Commission des Services financiers du Sénat américain. En pleine période électorale, les sénateurs ne se bousculent pas pour approuver le subventionnement du sytème financier américain à hauteur théorique de 700 milliards de dollars.

Question centrale posée par experts et politiciens : pourquoi le Trésor veut-il consacrer cette somme colossale à l'achat d'actifs dépréciés, plutôt que de prêter l'argent à ces sociétés, à charge pour elles de négocier au mieux leurs actifs sur le marché ? Réponse de Paulson et Bernanke : la question n'est pas de venir au secours des compagnies financières, mais de réamorcer la système d'achat et vente du marché et de permettre une réappréciation des actifs. Ils sont ainsi opposés à la prise de participation de l'Etat dans ces sociétés, qui permettrait (indirectement) au pauvre contribuable de profiter de la remontée des cours. Paulson refuse par ailleurs de mettre un bémol au montant des stocks-options et autres parachutes dorés versés aux dirigeants des firmes ainsi subventionnées.


Confusion des genres

C'est peu de dire que les législateurs américains, en phase avec leurs électeurs, sont dubitatifs. Hier, le lobby des Chambres de commerces avait entrepris de faire le siège des sénateurs pour qu'ils appuient le plan à 700 milliards de dollars. D'après le Los Angeles Times, ses émissaires ont dû stopper leurs tentatives de séduction en milieu d'après midi, devant l'hostilité rencontrée.


Cerise amère sur le gâteau, soulignée par le Washington Post : le dit Hank Paulson, Secrétaire d'Etat au Trésor, a quitté la firme Goldman Sachs (un des principaux responsables de la crise actuelle), il y a 2 ans, avec un pactole de centaines de millions de dollars. Jusqu'à la présente crise, Paulson assurait aux journalistes et citoyens que le marché trouverait lui-même la solution aux difficultés rencontrées. Un crédo républicain et libéral qui vient de se crasher spectaculairement. A souligner également le manque de reconnaissance du ventre des sénateurs du Comité des Finances, qui ont été soutenus à hauteur de 33 millions de dollars par Wall Street et autres durant leur élection.

Perplexité accrue

Que faire ? Soutenir Wall Street pour éviter la déconfiture de "Main Street" (le peuple américain) ? Et si ce plan lumineux ne marchait pas ? Et si ne pas le voter équivalait à retourner à 1929, à la Grande Dépression ? Comment accepter que cette création de valeur purement financière, amorcée dans les années 80 se révèle finalement pour ce qu'elle est : du vent, lorsqu'il ne susbsiste plus aucun actif concret pour l'étayer ?


La foi libérale en berne

Après la Guerre d'Irak, le Patriot Act, et autres grands projets patriotiques et coûteux économiquement et démocratiquement, le gouvernement Bush finissant ne pèse plus guère sur les élus blasés. En particulier les siens, largement minoritaires à la Chambre des Représentants, à peine à égalité numérique au Sénat. A tel point que les Démocrates, majoritaires, prêts à un compromis, attendent l'assentiment de la "minorité présidentielle". Entre autres déclarations significatives, celle du Sénateur républicain Gene Taylor au Washington Post, quant à l'urgence extrême d'adopter le plan : "Où ai-je bien pu entendre cela, déjà ? Quelque chose comme "Les Irakiens ont des armes de destruction massive, et ils sont prêts à les utiliser", ironise-t-il. "Je ne suis pas pressé de m'exécuter." D'autant plus que les auteurs du plan quitteront le pouvoir dans quelques mois


Au-delà, c'est bien la foi dans un système de marché dérégulé qui a chuté. Et dans ses supports étatiques ou privés. Or, sans représentation consensuelle, un système économique ou politique ne peut fonctionner.

Thierry Follain

Sources : Los Angeles Times, New York Times, Washington Post, Trends.be

Photo : Paulson et Bernanke devant le Sénat. - Charles Dharapak - Associated Press


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