samedi 7 juin 2008

France : le diesel perd son énergie

La spectaculaire hausse du prix du gazole remet en cause le grand mythe français du "diesel" moins cher (et moins polluant). Un bel exemple de carambolage entre économie dirigée et forces du marché, la victime étant sans doute le développement durable.

Le coût réduit du gazole dépendait jusque-là de la bonne volonté gouvernementale, gauche et droite confondues. Et donc d'une TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) réduite par rapport à celle imposée à l'essence. C'est un bel exemple de théorie de l'oeuf et de la poule : "les Français sont amateurs de moteurs diesels parce qu'il est moins coûteux en carburant, donc je modère les taxes sur le gazole pour qu'il reste moins cher que l'essence, donc, les Français privilégient la motorisation diesel". Et ainsi de suite. Résultat : entre 1994 et 2006, la consommation française de gazole a progressé de 48%, alors que celle de supercarburant diminuait de 37%. En 2004, la France consommait 18% du gazole consommé dans l'Europe des 25. A la même époque, notre pays représentait 13,1% de la population de la Communauté. Voilà pour l'économie "administrée" (par la fiscalité).

Un déséquilibre croissant entre offre et demande

Entrent en piste les forces du marché. Dans les années 80, les firmes pétrolières implantées en France ont porté leur effort sur la production de "sans-plomb". Par la suite, elles ont orienté leurs investissements en matière de gazole vers sa désulfurisation, sous la pression de la communauté européenne. A souligner que les nouvelles sources pétrolières, comme celles de Russie, sont "riches" en soufre, et que cette opération sera donc de plus en plus coûteuse en investissements et en énergie. Quoi qu'il en soit, la capacité française de raffinage ne peut aucunement répondre à la demande croissante en gazole. D'où raréfaction, d'où importation. Ainsi, en 2004, la France a importé 11 millions de tonnes de gazole et exporté 4 millions de tonnes d'essence. De ce fait, la faible part du prix du gazole contrôlée par les pétroliers ne cesse de croître en valeur. Soit un gas-oil à 1,423 euros minimum, sur prixcarburants.com, au moment où j'écris. Voilà pour les volets économique et social du développement durable.

Des nuisances peu prises en compte

Et le volet environnemental ? Depuis que le concept du "réchauffement climatique" a atteint le grand public, le mot-clé a été "réduction des émissions de CO2" (même si celui-ci n'est qu'un des gaz à effet de serre). Spécialistes du marketing et de la publicité se réjouissent : du fait de la combustion optimisée du carburant, un moteur diesel rejette moins de CO2 qu'un moteur essence. Le diesel est donc subitement devenu "vert", avec réductions fiscales à l'achat associées. Hélas, le diesel a ses nuisances environnementales spécifiques, telles que l'émission d'oxydes d'azote (NOx) et de particules fines et très fines qui tapissent nos poumons. L'entrée en scène des pots catalytiques ne résout que partiellement ces problèmes. Et voilà que la Commission européenne réclame une réduction des niveaux de NOx émis...

Une adaptation lente du raffinage

Les pétroliers n'ont jamais été très motivés pour produire un carburant de "bas de colonne" coûteux en investissement. Dans "L'offre et la demande de gazole routier à l'horizon 2010" (mars 2006), l'Ufip (Union française des industries pétrolières) concluait qu'aucune construction de nouvelles raffineries n'était justifiée en France. Elle envisageait par contre un investissement d'1,5 milliard d'euros d'ici 2010 pour augmenter la production de gazole dans les raffineries existantes. Ce qui est en cours, bon an, mal an. En fait, développer la propulsion automobile par gpl aurait été beaucoup plus "durable", ce gaz étant partie intégrante du process de raffinage. C'est par ailleurs un carburant peu polluant. Fin 2007, 150 000 véhicules français l'utilisaient.

Des avancées technologiques en ordre dispersé

Pendant ce temps, les constructeurs automobiles américains, placés sur un marché dominé par une essence de plus en plus chère, ferment les unités de production de 4X4. General Motors envisage même l'arrêt de production du Hummer, ce symbole du consumérisme automobile triomphant dérivé d'un véhicule militaire américain de la Guerre du Golfe . Le Hummer consomme entre 10, 9 et 16,3 litres au 100 dans sa version H3, la plus "écolo". GM planche en revanche sur la technologie HHCI (homogeneous charge compression ignition), qui doit conférer à la combustion de l'essence l'efficience de la combustion diesel. Et ce, sans émission de NOx, et donc, sans surcoût associé aux équipements pour traiter ces émissions.

Les Japonais caracolent toujours en tête de la recherche et développement sur les véhicules propres. Toyota vient d'ailleurs de vendre sa millionième Prius hybride. En tout, le groupe a commercialisé 1,7 million de véhicules hybrides depuis 1997. Le choix de cette technologie coûteuse à l'achat se trouve de plus en plus validé par l'envol des cours du pétrole (baril à 138,14 dollars, ce jour). Sous l'impulsion de Carlos Ghosn, Nissan saute directement à l'étape de la voiture électrique, "zéro émission". Une direction qui pourrait être aussi celle prise par Renault, suivant un principe simple : "La batterie et la recharge d'électricité doivent revenir moins cher qu'un plein d'essence". Honda voit plus loin encore avec sa FCX Clarity équipée d'un pile à combustible. Mais plus près, aussi, avec l'annonce de la mise en vente dès 2009 d'un modèle hybride à prix réduit.

En matière d'auto-mobilité durable, les perspectives restent cependant bien imprécises.


Article repris sur NaturaVox



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