mardi 29 juin 2010

La Loi d'engagement national pour l'environnement Grenelle 2 votée dans une ambiance bien plus morose qu'en 2007

Juin 2010, le Sénat vote la Loi Grenelle 2, Grenelle 2 : vote définitif
Lancé dans un grand élan d'enthousiasme écologique et durable, le Grenelle de l'Environnement trouve son aboutissement, deux ans après, dans la Loi Grenelle II, adoptée en dernière lecture par le Sénat. Ce texte influencé par la conjoncture économique morose n'introduit pas de réelle révolution, sauf dans le secteur du bâtiment neuf, avec l'entrée en scène de la norme énergétique RT 2012.

Bâtiment : sobriété énergétique dès la conception

L'une des avancées les plus marquantes du Projet de Loi portant engagement national pour l'environnement sera la performance énergétique de l'immobilier tertiaire ou d'habitation neuf. Un progrès concrétisé par la norme RT 2012, avec son plafond de 50 kWh de consommation d'énergie primaire par m2 de shon (surface hors oeuvre nette) et par an (modulable suivant les régions et l'altitude). Un seuil équivalent à celui fixé par l'actuel label BBC Effinergie. A comparer avec la consommation moyenne actuelle de l'habitat français, soit 240 kWh/m2/an !

Diminuant de 50% les seuils de la RT 2005, la RT 2012 prend en compte l'ensemble de la conception du bâtiment. Elle introduit ainsi le Bbio, coefficient qui qualifie la qualité énergétique du bâti avant de déterminer quels systèmes l’équiperont (chauffage, refroidissement, eau chaude sanitaire, photovoltaïque…). La RT 2012 est applicable au tertiaire au 1er juillet 2011 et à l'immobilier résidentiel au 1er janvier 2013 (date de la demande de permis de construire). Les bâtiments collectifs disposent d'une tolérance de 15% jusqu'au 1er février 2015.

Comme dans l'automobile, c'est donc la contrainte législative qui fait progresser la valeur environnementale à cadence rapide. Les promoteurs qui freinent ont du souci à se faire face à ceux qui pratiquent déjà le BBC (basse consommation d'énergie), en mixant divers critères, dont bioclimatiques.


Pour les bâtiments existants, l'objectif est de réduire la consommation d’énergie primaire de 38 % d’ici à 2020. 400 000 logements devraient théoriquement être rénovés chaque année à partir de 2013.


Le bilan carbone gagne du terrain


Les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités de plus de 50 000 habitants devront établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre pour le 1er janvier 2011. On espère pour elles qu'elles ont déjà lancé la démarche.


L'énergie éolienne réservée aux gros joueurs, en zone désertée

Fort et irrationnel, le courant anti-éolien français a trouvé l'oreille des élus de la Nation. Les éoliennes seront désormais soumises au régime des installations classées (ICPE), avec des procédures administratives complexes. Elles devront être éloignées de 500 m de toute zone habitée ou habitable. Et chaque projet devra compter au moins 5 mâts. Pas de quoi susciter l'envie de développer une industrie française en la matière. Champagne en Allemagne, au Danemark et en Chine !

Un nouveau label pour l'agriculture raisonnée

Un label « agriculture HVE », haute valeur environnementale, sera créé. Un niveau intermédiaire entre le "bio" et l'intensif, pour les producteurs qui modèrent leur usage des intrants agricoles ainsi que des effluents et des déchets produits par l’exploitation, respectent la vitalité des sols, les ressources en eau... Les critères précis de ce label (et non certification) seront définis plus tard, par décret, ce qui ne mange pas de pain.

Déchets : prévention accrue pour les acteurs publics, mais pas pour le privé

Point positif : les collectivités locales devront mettre en place un programme de prévention des déchets d’ici le 1er juillet 2012. Un délai de 2 à 3 ans est accordé pour sa mise en oeuvre. Aucune mesure, par contre, pour contraindre les producteurs et les distributeurs à prendre en compte la prévention des déchets : on ne traite donc pas le problème à la source.

Le dimensionnement des incinérateurs et des centres de stockage et des incinérateurs (une caractéristique française avec le diesel, le nucléaire, etc) est fixé à 60% des déchets produits sur un territoire. L'objectif de recyclage européen fixé à 50% à l'horizon 2020 ne sera vraisemblablement pas atteint en France.

Étiquette environnementale : plus tard...

L'étiquette sur le coût environnemental des produits (émissions de carbone, matériaux utilisés, durée de vie) ne sera pas obligatoire au 1er janvier 2011, comme prévu. Grenelle 2 se contente d'une phase de test, la mise en oeuvre de ce projet étant complexe. A noter au passage que le pilier social du développement durable passerait à la trappe dans cette étiquette. Il en a l'habitude.

Retour du péage urbain

Le principe d'un péage urbain dans les villes de plus de 300 000 habitants a été rétabli. Reste à l'appliquer sans discrimination sociale. Pas si évident.

Trame verte et bleue : un peu trouée

L'une des idées majeures du Grenelle 1 pour la biodiversité était la préservation d'un trame "verte et bleue", corridors naturels reliant des zones protégées. En dernière lecture, la présence de cette trame n'est plus opposable aux grands projets d'aménagement (routiers, ferroviaires) mais doit simplement être "prise en compte". Pas très contraignant.

Voté finalement par la seule Majorité, le Grenelle de l'Environnement trouve donc sa concrétisation, dans une ambiance certes moins consensuelle et ambitieuse qu'à l'ouverture des débats en octobre 2007.

Grenelle 2 n'est pas au bout du chemin : 200 décrets d'application seront en effet nécessaires pour son entrée en application ! 

dimanche 20 juin 2010

Marée noire en Louisiane : un enjeu durable pour l'industrie pétrolière et les Etats-Unis



Alors que BP crée un fonds 20 de milliards d'euros pour gérer les conséquences de la marée noire dans le Golfe du Mexique, son Directeur Général, Tony Hayward, relance la polémique en participant à une régate chic en Angleterre. Dans un discours "historique", le Président Barack Obama a remis en cause la dépendance des États-Unis envers le pétrole. Pendant les discours, la marée noire continue. Et la compagnie brésilienne Petrobras s'apprête à tirer profit du gel des forages offshore américains... en développant les siens.

BP aggrave son cas

Tony Hayward, Directeur Général de BP
, aurait dû consulter sa responsable RP avant de se rendre à la «JP Morgan Asset Management Round the Island Race», à l'Ile de Wight, régate très chic à laquelle participe son yacht personnel.
Rassembler en un même lieu symbolique le pétrolier pollueur et l'un des acteur de la crise financière récente, il fallait l'oser. D'où de nombreuses manifestations d'indignation, dont celle de Rahm Emanuel, Secrétaire Général de la Maison-Blanche. Hayward avait d'ores et déjà décidé de passer la main sur la surveillance des opérations en Louisiane.

BP va devoir lever 40,4 milliards d'euros afin de financer le coût de la marée noire dans le golfe du Mexique et en particulier un fonds de 16 milliards d'euros pour gérer les conséquences de la catastrophe. Cela commence à faire cher du puits.


Une vague noire qui s'étend chaque jour dans le Golfe du Mexique


On peut suivre sur le site du New York Times la progression au jour le jour de la marée noire et de la pollution sur les côtes de Louisiane, du Mississippi, d'Alabama et de Floride.
Créée par l'émergence d'un flot de gaz et de pétrole sous pression, suite à un forage exploratoire, puis de l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, le 29 avril dernier (qui a fait 11 morts), la nappe s'étend peu à peu sur l'ensemble du Golfe. C'est bien un événement majeur de l'histoire des Etats-Unis, ainsi que l'a souligné le Président Barack Obama, dans son discours solennel depuis le Bureau ovale de la Maison-Blanche.

Pendant ce temps, 8 200 tonnes de brut fuient chaque jour, à 1 500 mètres de profondeur. Le 18 juin, BP a réussi à en capter 3 450 tonnes, un record journalier. L'un des forages de secours serait à 100 mètres de la source de pétrole hors contrôle. Ces captages secondaires constituent la seule issue sérieuse au déversement sous pression actuel.


Mauvais temps pour la Louisiane et la Maison-Blanche


La Louisiane n'est pas favorable aux élections de mi-mandat américaines, du moins pour le camp des Présidents en place, et c'est là son moindre souci. La non-réactivité de Georges Bush pendant 3 jours pleins aux ravages humains du cyclone Katherina lui avait coûté les élections des représentants et sénateurs de 2006. Obama a du souci à se faire en novembre, suite à sa gestion peu convaincante de la marée noire dans le Golfe du Mexique.

Dans les faits, le contrôle des opérations techniques a été laissé à British Petroleum, même si les diverses agences fédérales mobilisent 30 000 personnes. Le monde éberlué a découvert que le géant pétrolier ne disposait tout simplement d'aucune solution viable pour arrêter rapidement une fuite de pétrole sur un forage en eau profonde.

Diverses méthodes ont donc été testées sur un site qui a laissé échapper 40 à 60 000 barils chaque jour. La coordination entre intervenants locaux et fédéraux laisse à désirer, suivant Jeffrey Jones, de l'Agence Reuters. Les hommes de terrain rencontrés lui ont révélé mener deux combats : "contre le pétrole brut se répandant dans les zones humides et contre la bureaucratie inutile ». Ainsi, des barges pompeuses de pétrole ont été retirées du front de la côte de Louisiane durant 24 heures, pour inspection par les Gardes Côtes (stabilité, gilets de sauvetage, extincteurs), avant de repartir à l'assaut... sans avoir été contrôlées, semble-t-il.

En fait, les environnementalistes américains demandent le limogeage du Ministre de l'Intérieur, Ken Salazar, censé tout coordonner.


Barack Obama propose une nouvelle vision de l'American Way of Life


Très critiqué, Barack Obama a multiplié les apparitions sur les côtes souillées, et surtout fait une adresse à la Nation américaine le 16 juin dernier, au retour de sa troisième visite. Il qualifie de « pire désastre environnemental que l'Amérique ait jamais affronté... une épidémie que nous devrons combattre des mois, voire des années durant ». Après avoir annoncé le renfort de 17 000 membres de la Garde Nationale, le Président a évoqué des pistes pour le futur. Il a assuré d'une réforme du Minerals Management Service, sensé réguler les forages , en fait au service des pétroliers. Il serait temps, puisque le nettoyage de ce service qu'Obama lui-même désigne comme corrompu était un des objectifs assignés à Ken Salazar, lors de sa nomination.

Le Président a lancé un vibrant appel, peu "américain" au sens traditionnel du mot, à échapper à la fatalité de la dépendance des Etats-Unis au pétrole. Il a pris parti pour le développement massif d'énergie propres, facteur de ré-industrialisation et d'économies sur les importations. Barack Obama a comparé ce défi à celui lancé par l'entrée en guerre des États-Unis en 1942, ou le lancement de navettes habitées dans l'espace. Il ne sera sans doute pas plus aisé à relever, puisqu'il met en cause la base-même d'un style de vie.


Un petit air de James Lee Burke


Il va falloir convaincre en premier lieu... les habitants de la Louisiane, état fortement dépendant de l'industrie pétrolière et chimique pour la création d'emplois, depuis la fin des années 40. Lire à ce sujet l'ensemble la série des « Robicheaux » de James Lee Burke, du nom de son héros récurrent, policier d'origine cajun, intègre et violent, en lutte permanente contre ses anciens démons alcooliques, et surtout, en ce qui nous concerne aujourd'hui, témoin ambivalent de la transformation de sa Louisiane natale sous l'effet de l'industrie pétrolière, de celle du jeu, aussi, et de l'incompétence politique. Acteurs de ce développement, les « roughnecks », rudes travailleurs des crevettiers, des raffineries et des plates-formes.
Ce n'est pas un hasard si la Louisiane est l'état du Sud qui a le plus ouvert ses côtes à l'exploitation offshore dérégulée, après le vote de la Loi sur la sécurisation de la ressource énergétique dans le Golfe du Mexique, en 2006. La Floride a alors maintenu une zone d'exclusion des forages à grande profondeur de 200 kilomètres au large de son rivage.

Le désastre en Louisiane, révélateur des contradictions contemporaines


Dans la vraie vie, les roughnecks, s'inquiètent du gel des forages en eau profonde décrétée par Barack Obama. Et ce, malgré les ravages causés aux zones humides protectrices des ouragans par les milliers de canaux porteurs d'eau salée et oléoducs aménagés par les compagnies pétrolières. Question d'emploi, qui sera encore aggravée par les coups portés à la pêche, celle des fruits de mer en particulier, et au tourisme. La Oil and Gas Association n'a d'ailleurs pas manqué de souligner que la décision de faire tourner 33 plate-formes au ralenti pourrait coûter 7 000 emplois qualifiés et 4 fois plus d'emplois induits.


Forages à grande profondeur : ce n'est qu'un début

Si les États-Unis reconduisent le gel actuel de 6 mois sur les forages à grande profondeur, il ne manquera pas de pays et d'"investisseurs" pour voir là une "aubaine". Le géant pétrolier brésilien Petrobras lance ainsi une levée de fonds de plus de 20 milliards d'euros pouraccélérer la cadence de ses propres forages offshore!
Ainsi va le monde ...



Les prévisions de l'évolution de la nappe de pétrole au large des côtes de Louisiane, à 24, 48 et 72 heures, sur le site nola.com.

Lire aussi : le cyclone Katherina a provoqué 44 fuites de pétrole en Louisiane, en 2005, les plus importantes concernant le fleuve Mississipi.