samedi 26 décembre 2009

Bilan durable 2009, en France et sur la planète

Année caractérisée par des sommets mondiaux décevants (Sécurité alimentaire, Réchauffement climatique), 2009 a vu l'énergie nucléaire française clignoter, la voiture électrique sanctifiée, les véhicules (plus) propres et la sobriété énergétique des bâtiments encouragés. Pas de progrès marquants encore, dans la mise en oeuvre de solutions "intelligentes" dans la gestion des flux d'énergie. Reste à savoir si la démarche durable est accessible à l'ensemble de la population. Et si elle doit constituer une fin, plutôt qu'un moyen.

Vénus, Boticelli - Sommet climatique de Copenhague, 2009 - Copenhagen Climate Summit - COP 15 2009 - Réchauffement climatique, sommet de Copenhague - Terre Natale, Le Blog du Développement durable - http://terrenatale.blogspot.com - Thierry Follain, rédacteur : 06 87 29 38 73FAO, Copenhague 2009 : les sommets sont au plus bas

Mauvaise année pour celles et ceux qui pensent que de grands sommets internationaux consensuels vont régler les problèmes de la planète. Même Jacques Diouf, Directeur Général de la FAO est déçu des résultats du
Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, qu'il a organisé les 16 et 18 novembre ! La Déclaration finale ne précise en effet ni objectifs quantifiés ni échéances précises qui auraient permis de mieux suivre leur concrétisation. En attendant, 1 milliard des 6 milliards 832 millions d’humains souffriraient de la faim. Le discours couramment entendu sur nos ondes est que nous « pourrions » nourrir l’ensemble des habitants de la planète. Admettons... Parallèlement, le thème de la limitation des naissances n’est plus très populaire dans un monde où s’affirment les intégrismes religieux (aux Etats-Unis comme ailleurs), et où Européens et Japonais vieillissants associent décroissance démographique et non-paiement de leurs retraites.

Autre événement international dénué d'objectifs chiffrés : le tant attendu Sommet de Copenhague 2009 sur le réchauffement climatique. 26 pays sur 193 ont laborieusement élaboré l’accord final. Celui-ci reconnaît la nécessité de ne pas dépasser un réchauffement de 2°C, et de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50% par rapport à leur niveau de 1990, d'ici 2050. Les modalités pratiques seront négociées en 2010...

A part le climat, les grands perdants sont les Nations-Unies, organisatrices du sommet, avec leur inapplicable procédure d’unanimité. Mais aussi l’Union Européenne, snobée une fois de plus par le président américain Barack Obama qui a préféré consacrer son temps à l’autre puissance économique et polluante, la Chine de Wen Jiabao. Les numéros de claquettes perso des chefs d’Etat européens, dont le nôtre, n’ont donc eu que peu d’impact sur l’issue du
Copenhagen Climate Summit 2009.

Après cet « échec », sommes-nous fichus, comme l’affirme la fraction la plus militante et la plus conscientisée? Qui sait… L’attention de plus en plus exclusive portée au réchauffement climatique risque de nous masquer d’autres problèmes impactant notre avenir.


Energie nucléaire : l’avenir est-il radieux ?


En France, la gagnante médiatique de la lutte contre les gaz à effets de serre est l’énergie nucléaire, source principale de notre approvisionnement (88% en 2006). Sur le terrain, l’année 2009 a été moyennement radieuse pour cette énergie théoriquement « Zéro CO2 » . 18 réacteurs sur 58 seront à l’arrêt pour maintenance cet hiver, et RTE, distributeur national, a lancé un avertissement sur de possibles coupures. D’où le recours à l’électricité produite à partir de sources fossiles et à l’importation massive.

Petite forme aussi pour l’EPR français
, qui doit être construit à 3 exemplaires, dont deux en France. Les retards s’accumulent à Flamanville, et EDF ne peut en rejeter la responsabilité sur un partenaire finlandais, comme le fait Areva. L’EPR bas-normand devrait être branché en 2013 sur le réseau. Ce réacteur de 3ème génération a une puissance de 1 550 Mégawatts électriques, contre 1 330 pour les unités précédentes. Il a également été confronté aux objections de 3 autorités de sûreté nucléaire, dont la française, quant à ses process de sécurité...


Qui plus est, la pétromonarchie d’Abou-Dhabi vient de choisir le constructeur coréen Kepco (associé à Westinghouse et Toshiba) pour la construction de 4 centrales de 1 400 MWe. Chiffre d’affaires : 20,4 milliards d’euros. Au détriment des EPR proposés par EDF, GDF-Suez et Areva. Trois mammouths tricolores dont l’association n’est pas sans nuages… La monoculture française des technologies lourdes soutenues par des conglomérats publics-privés et la haute administration trouve là ses limites.


Voiture électrique : une vedette à laquelle on demande beaucoup ?

G
voiture électrique, plan Borloo Voiture verte, Mitsubishi i-miev, Alliance Renault Nissan, Nissan Leaf, Kangoo ZE, Stations Quickdrop,Peugeot iOn, Toyota Prius, voitures hybrides, hybride Lexusrande vedette de l'année 2009, en France : la voiture électrique. Jean-Louis Borloo, Ministre de l’Ecologie a en effet lancé un ambitieux plan "Voiture verte", destiné autant à soutenir une industrie automobile mise à mal par la crise qu'à soulager la planète. Ce plan repose sur l'achat massif de véhicules électriques par les administrations et entreprises publiques, une prime de 5000 euros à l'achat (qui compense un surcoût moyen de 10 à 12 000 euros), la création d'une usine de batteries par Renault à Flins, avec le CEA, soutenue par une aide d'Etat de 125 millions d'euros. Il ne reste plus qu’à déployer un réseau de prises de recharge public et privé. Et à fournir l'électricité nécessaire (voir plus haut).

La voiture électrique ne fera que déplacer une partie de la problématique transports, les véhicules à moteur thermique et hybride devant représenter au minimum 80% du parc en 2020.


Glissement vers une économie de l’intelligence ?


Ce qui apparaît obsolète, c'est le critère de croissance globale de la production et de la consommation. La Chine elle-même commence à réorienter son système productif vers plus d’efficience énergétique. Dans une société de plus en plus basée sur "l'intelligence", au sens anglo-saxon du terme, l'objectif minimal doit être de consommer moins de ressources à confort égal, ou à confort nouveau.

Les réseaux et compteurs électriques intelligents, par exemple, permettront à l’utilisateur final, entreprise ou particulier, de moduler sa consommation en fonction des prix de l’énergie et des sources d’énergie disponibles, en temps réel. Parmi les solutions intelligentes proposées, le Demand response de Cap Gemini. Son objectif est de faire baisser la consommation d’énergie en Europe et d’éviter les pics de consommation. Reste à déployer ces dispositifs intelligents


Développement durable : impulsion citoyenne ou incitation par l’Etat ?


On peut supposer que le citoyen est maintenant au fait des enjeux climatiques. Passer à l’action exige cependant une capacité d’investissement, pour isoler une maison ou acheter une voiture (plus) propre. D’où la politique volontariste d’un gouvernement poussé par la croissance de l’électorat des Verts français, et par les engagements résultant du Grenelle de l’Environnement.

Dans l’immobilier, le dispositif fiscal incitatif Scellier 2011 et surtout l’entrée en vigueur de la norme RT 2012 au 1er janvier 2013 (pour le secteur privé, avant pour le secteur public) favorisent le développement des bâtiments à Basse consommation d’énergie. Véritable puzzle dont on peut choisir les pièces, cette norme pénalise l’énergie électrique en lui attribuant logiquement un médiocre coefficient de conversion de l’énergie primaire en énergie consommable. Elle favorise le photovoltaïque, encore balbutiant. Certains promoteurs font en sorte de conserver l’électricité comme source d’énergie en optimisant les facteurs bioclimatiques et passifs. C’est déjà cela.


Dans le même état d’esprit, le « bonus écologique » a favorisé les voiture rejetant moins de CO2. (comme me l’indiquait le collaborateur d’un équipementier français : « Il est facile de concevoir une voiture qui rejette moins de CO2, mais plus de plomb ou d’oxydes d’azote… »).

Reste à mettre l’industrie automobile française sur les rails de la performance durable. Elle a fortement développé la motorisation diesel, encouragée par la sous-taxation du gazole et une consommation moindre. Maintenant, elle doit s’adapter rapidement aux normes internationales (Euro 5, Euro 6, Tier2Bin5) de plus en plus exigeantes sur les polluants associés au diesel : oxydes d’azote et particules fines.

Lancé sur la voie du « Zéro émission » par Carlos Ghosn, Renault s’appuie sur l'alliance Renault-Nissan pour devenir un acteur majeur de la voiture électrique. Peugeot devrait faire de même avec Mitsubishi.

Le mode de consommation automobile est censé évoluer progressivement, mais on note déjà l’apparition de 4x4 hybrides. Et dans les pays émergents, la possession d’une voiture reste un symbole de progression sociale. Un monde vertueux reposant sur transports publics et bicyclettes semble donc improbable…

Le durable pour tous ?

Rappel au tableau noir : le développement durable est théoriquement fondé sur 3 piliers : environnemental, économique et social. Les sondages régulièrement pratiqués indiquent que le volontarisme « vert » est à son sommet dans les classes socio-économiques « supérieures ». taxe carbone censurée par le Conseil Constitutionnel, rejet de la taxe carbone, quotas d'émission européen, optimisation énergétique, grand emprunt et isolation des logements, enjeux énergétiques et BTP, égalité devant le durable, terrenatale.blogspot.comD’où une possible « fracture durable », entre habitants des centres-villes piétonnisés, au mètre carré coûteux, et ceux des périphéries ou des campagnes.

Le problème a d’ailleurs été posé avec la "taxe carbone", qui va pénaliser ceux qui habitent une maison éloignée de la ville, de leur lieu de travail, et qui se chauffent avec des énergies fossiles. D’où une compensation forfaitaire, qui fait du dispositif une « usine à gaz » (un comble !).
Ou plutôt, "qui faisait", car le Conseil Constitutionnel vient de censurer la "contribution énergie-climat", telle qu'elle est définie dans la Loi de Finances 2010. Motif : elle exempte nombre d'émetteurs-polleurs, au premier rang desquels les grandes industries. Le fondement de cette exemption, l'émission de quotas européens, a été jugé non recevable, ceux-ci étant gratuits jusqu'en 2013.

Fracture dans l’habitat, également. 800 000 logements HLM seront optimisés énergétiquement d’ici 2020. Sur un total de 4,8 millions. Michel Rocard et Alain Juppé avaient souhaité que 2 milliards d’euros issus du grand emprunt soient consacrés à l’optimisation énergétique de l’habitat social. L’arbitrage final est de 500 millions d’euros, et encore sous forme de prêts à taux zéro, destinés à ceux qui possèdent leur logement, donc. La volonté exprimée en septembre par Jean-Louis Borloo de porter le parc social rénové à 1,5 millions de logements a pris du plomb dans l'aile !

La croissance verte détient un atout : elle est tout à la fois indélocalisable et exportable. Les logements à rénover, les réseaux intelligents à développer seront en France. Reste à développer les technologies adéquates, plutôt qu’à les importer, comme nous le faisons pour les éoliennes, les cellules photovoltaïques ou les batteries lithium-ion.

Et le bonheur, dans tout cela ?

« Home », de Yann Arthus-Bertrand, « Le syndrome du Titanic » de Nicolas Hulot, deux films à grand spectacle, ont mis en scène le réchauffement climatique et le destin fatal de la planète.

Proclamer « on a deux ans (ou autre) pour réagir, après, c’est fichu » risque d’être plus porteur d’angoisse qu’autre chose. La recherche d’un bonheur différent, moins consumériste, ou différemment consumériste, peut être une piste. Sachant que plus les revenus sont modestes, plus les choix sont limités.

Sachant aussi que, contrairement aux militants et convaincus, l'ensemble de la population ne peut fonder son bonheur familial et personnel sur l'emploi d'ampoules basse consommation, le chauffage au bois ou les toilettes sèches, et, par ricochet, la survie de la planète. C'est peut-être dommage (quoique...), mais c'est ainsi. Souligner la dimension "plaisir", "bien-être" du "moins gaspiller"-"moins polluer"-"être plus à l'écoute de soi-même, des autres et de ce qui nous environne" est donc fondamental.

En bref, il n’existe pas une voie unique vers le « durable », et celui-ci est un moyen plus qu'un accomplissement. C’est ce qui en fait l’intérêt et la complexité.


dimanche 20 décembre 2009

Sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique : bilan à chaud !

Que reste-t-il du Sommet de Copenhague 2009, porteur de tant d'espoirs chez les militants et populations sensibilisées aux effets du réchauffement climatique? Des prrincipes. Et la confirmation que le dialogue entre Etats-Unis et Chine sera primordial dans les années à venir. Aux dépens de l'Europe, porteuse de bonnes intentions.

Sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique - Copanhagen Summit 2009 - Global Warming - Visuel Copyright Thierry Follain - Terre Natale - www.terrenatale.blogspot.com
Une intention : hausse des températures globales limitée à 2 °C.

Dans une vaste perspective, les dirigeants prévoient de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C d'ici à 2050 par rapport aux niveaux pré-industriels, l'objectif affiché de la conférence sur le climat.

Selon un calcul des Nations unies, l'addition des promesses faites à ce jour publiquement par les différents pays conduirait à une hausse de la température moyenne de la planète de 3 °C, bien au-delà de l'objectif souhaité des 2 °C. Une proposition annexée à l'accord appelle la communauté internationale à conclure un traité contraignant d'ici la fin de l'année prochaine.

Aucun objectif de réduction des émissions de CO2

L'accord de Copenhagen 2009 ne fixe pas d'objectifs chiffrés de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. Pour les pays industrialisés, les objectifs de réduction d'émissions de CO2 d'ici à 2020 ne seront fixés qu'en janvier. L'objectif de l'Union européenne reste de maintenir son objectif de réduire ses émissions de 80 % d'ici 2050. L'UE ne reverra pas à la hausse son objectif de réduction à l'échéance 2020, qui restera de 20 %.


30 milliards de dollars pour les pays les plus menacés

L'engagement collectif des pays industrialisés au Sommet de Copenhague est d'apporter des ressources à l'aide au développement d'un montant total de 30 milliards de dollars. L'Union européenne avait déjà promis de verser 10,6 milliards de dollars sur les années 2010, 2011 et 2012 et le Japon a annoncé à Copenhague 11 milliards de dollars sur les trois ans.

Pas d'Organisation mondiale de l'environnement

L'accord du Copenhagen Summit ne prévoit pas la création d'une Organisation mondiale de l'environnement qui aurait pu vérifier la mise en œuvre des engagements de chacun. Rattrapage possible lors d'une assemblée européenne pour préparer la conférence sur le climat de Mexico, fin 2010. Le texte précise que les économies émergentes doivent faire le bilan de leurs efforts et en rapporter aux Nations unies tous les deux ans. Des contrôles internationaux sont prévus pour répondre aux exigences occidentales de transparence mais le texte garantit le "respect de la souveraineté nationale".

Protection des forêts : une incitation vague


Le texte de l'accord de Copenhague "reconnaît l'importance de réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, et la nécessité d'améliorer l'élimination de gaz à effet de serre par les forêts". Il prévoit des mesures "incitatives" pour financer la protection des forêts avec des fonds des pays développés.

Une leçon sur le nouvel ordre mondial

Alliée pour la circonstance au Brésil et au Japon, l'Europe n'a pas fait le poids face au duo Etats-Unis/Chine et aux réticences de la majorité des pays en développement. Une confirmation que l'impulsion politique au niveau mondial se déplace de plus en plus vers un axe Pacifique.Temps fort de la visite de Barack Obama à Copenhague : sa rencontre avec le premier ministre chinois, Wen Jiabao. L'entretien de 55 minutes portait sur les garanties de vérification, le financement de la lutte contre le réchauffement et le niveau des émissions. Le Président américain a également rencontré le Brésilien Lula et le Russe Medvedev, sur les questions de désarmement. Mais aucun dirigeant européen. D'après Le Figaro, Obama "a seulement échangé quelques mots avec les premiers ministres grec et bulgare durant le déjeuner". Voilà qui nous remet à notre place, nous Européens porteurs théoriques du nouvel ordre environnemental.

L'Accord de Copenhague 2009 n'est pas chiffré, donc, mais pouvait-on vraiment l'espérer ? Au moins, les Etats-Unis ont reconnu à la fois l'effet de serre et la nécessité de le combattre, ce qui n'était pas le cas sous la Présidence précédente.

Alors, on est fichus ?!


L'
Accord de Copenhague 2009 pouvait-il, devait-il "sauver le monde" et les générations futures ? Oui, si on résume les troubles de la planète au réchauffement. Pas forcément si on indentifie d'autres sujets d'inquiétude : inégalités persistantes, modèle économique qui favorise la création de classes moyennes minoritaires censées entraîner le reste de la population des pays en développement, démographie non maîtrisée là où la production de ressources est la plus faible, dissémination nucléaire... à chacune et à chacun de compléter sa liste (ce que vous éviterez peut-être en cette période pré-Noël).

Nous aurions de toute façon intérêt à nous pencher dès maintenant sur le compensation des effets du réchauffement. Même si nous arrêtions ce soir de produire des gaz à effet de serre (improbable), la montée de la température n'en serait pas moins d'1,3 °C, d'après l'étude "Avoid : Avoiding dangerous climate change" récemment publiée par le Met Office, le Service météorologique britannique.