mercredi 25 avril 2007

Présidentielles 2007 : partis de campagne

Les Présidentielles françaises constituent un exercice démocratique complexe, qui provoque la stupeur de nos proches et lointains voisin. La cuvée 2007 des affiches électorales a fait preuve d'innovation et de personnalité.

La Mère, la Nation, la Star

Une affiche tranche fortement sur les autres, celle de Ségolène Royal, autrement dit : "Ségolène". Choix glamour : le noir et blanc, visage de star (années 40 ? 60 ?), de femme mature, maternelle, attirante et rassurante. Ségolène, en fait, n'est pas candidate. Elle est "la France", la Nation. Une Marianne parmi nous. L'association des termes : "France", "Présidente", "Royal" constitue un vrai tiercé gagnant... sur le principe.

Les Légitimistes

Les trois candidats de droite recourent logiquement au fond bleu légitimiste, qui évoque la continuité, la stabilité. Bayrou et Sarkozy glissent un motif de France rurale, en arrière-plan. Ils marchent ainsi sur les traces de "La force tranquille" miterrandienne, qui repiquait elle-même les motifs d'une affiche de Pétain, en la modernisant...

Bayrou adopte la pose du chevalier, du suzerain appuyé sur son épée. Question signature, il joue le rassemblement des tendances opposées, avec "de toutes nos forces". Sarkozy fait de même, avec "Ensemble, TOUT devient possible". Après, c'est une question de crédibilité...

De Villiers se contente de lui-même. Sa coupe de cheveux, sa vêture, son large sourire évoquent une de ses sources majeures d'inspiration : la Droite chrétienne américaine. Proclamant "la fierté d'être Français", il brandit un thème patriotique repris par les principaux candidats.

Les Grégaires

Ils ne sont pas seuls, n'exercent pas solitairement le pouvoir, mais sont porteurs d'un mouvement, portés par une foule. Chez Le Pen, c'est l'image traditionnelle et démagogique du tribun d'extrême-droite, amplifiée par la flamme tricolore. Rien de nouveau sous le soleil électoral depuis les Années 30. En écho aux affichettes militantes "Le Pen, vite. Très vite !", le "Votez Le Pen" constitue un programme à lui tout seul. C'est un prêcheur. Il invite à le rejoindre. S'il est élu, il guérira toutes les blessures du pays.

Candidat estampillé Développement Durable, Bové se met en scène dans une tranquille rue de petite ville, de village. On y flâne, on y débat. L'entourage flouté est multiracial, pris dans un soleil doré, bénéfique. La moustache, la chemise aux manches relevées rappellent qu'il est (ou fut) un paysan.

Le calme slogan "Un autre avenir est possible" est en accord avec une affiche porteuse d'une promesse, celle d'un futur harmonieux, apaisé. Elle semble plus impliquante que celle des Verts.

Les Labellisées

Elles jouent les couleurs primaires, vert pomme pour Voynet, rouge chaleureux pour Buffet. Question graphisme, le Parti remporte la compétition. Les Verts, eux, ont l'air d'avoir bricolé leur affiche dans les années 70... En arrière-plan, la planète. Le visuel évoque peu la "Révolution écologique" annoncée.

Ces deux candidates doivent s'affirmer face à des concurrents du même bord, disputer les voix chiches des "antilibéraux". Le logo de Voynet assimile donc "L'écologie", concept décliné par tous, aux "Verts".

Buffet, quant à elle, revendique la représentation de la très diversifiée "gauche populaire et antilibérale". Et le "courage" d'un parti en sensible décroissance électorale.

La Trotskyste

Chez Lutte Ouvrière, on ne plaisante pas avec la Révolution. Le discours, la proclamation, le programme priment sur le visage de la candidate en lice depuis les années 70.

L'affiche symbolise bien le rôle d'"Arlette", celui de porte-parole et non de leader d'un mouvement.

Le Rural

Frédéric Nihous a un électorat acquis : celui des chasseurs voulant chasser ce qu'ils veulent, quand ils veulent, et où ils veulent (à bas, l'Europe !). Il associe à cela le thème plus profond de la ruralité, menacée par le retrait progressif des services publics (et des subventions européennes).

Il lui suffit donc de jouer sur l'identification de l'électeur avec lui, et de se mettre en situation dans un paysage boisé. Elément primordial : le logo "CPNT", puissant signe de ralliement identitaire.

Le Branché

Au contraire de l'ascétique Lutte Ouvrière, la Ligue Communiste Révolutionnaire a toujours été attentive aux tendances, aux courants sociaux.

Cette perméabilité à l'air du temps est confirmée par l'affiche de Besancenot. Elle est très ludique et graphique, accroche "Nos vies valent plus que leurs profits" et guillemets mahousses inclus. Quant au sigle "LCR", ils faut le chercher... Besancenot, c'est juste le jeune candidat des Jeunes.

Le Pas clair

Opaque dans son fonctionnement, le Parti des Travailleurs, troisième mouvement trotskyste, recourt à une gamme de couleurs très "world", "mouvement pour la paix"... avec un slogan anti-européen ! Schivardi se réclame par ailleurs "des maires", mêlant légitimités politique et sociétale. Pas facile de s'y retrouver...

De mon point de vue 100% subjectif, quatre affiches sortent du lot tout en étant signifiantes, celles de Ségolène Royal, Le Pen, Bové, et, dans une moindre mesure, Nihous qui présentent des univers évocateurs. Paradoxalement, dans un pays où 80% des habitants résident en milieu urbain, seul José Bové, candidat emblématique des luttes paysano-écolos, est le seul et unique candidat à mettre en scène la ville sur son affiche...


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